Chapitre 8

EXPLICATION DE L'ACTION
DES BALANCEMENTS SUR LA PENSÉE


La vérification de ces expériences est à la portée de tous. Le balancement de la tête de droite à gauche crée une compression puis une décompression de chaque hémisphère, en même temps qu'un afflux de sang, puis une diminution de la circulation. Il n'est donc pas étonnant qu'une action physiologique sur l'organe qui engendre la pensée modifie celle-ci.

Cette modification est rythmique. Souvenons-nous de l'influence des rythmes sensoriels sur l'encéphale. Des coups de sifflet ou des signaux lumineux peuvent provoquer des crises d'épilepsie chez des souris s'ils sont émis à une fréquence convenable. De même, les balancements de la tête à une certaine fréquence ont une action profonde sur l'écorce cérébrale. Les balancements doux, associés à une image mentale, ont tendance à produire des contractions statiques globales dans les muscles du corps, sorte d'épilepsie fruste consciente.

L'épilepsie est due à une synchronisation des pulsations électriques fondamentales des neurones. Or, on conçoit fort bien qu'une excitation alternative des hémisphères provoque une synchronisation de groupes de neurones si le temps de balancement est égal au temps de réaction propre à ces neurones.

Ainsi, s'explique cette tendance aux contractions statiques consécutive aux balancements, tendance qui s'exprime dans certaines danses primitives, se terminant par des sortes de convulsions, et qui a été méthodiquement exploitée dans le Krya-Yoga de Yogananda. Certains pourraient redouter, par cette pratique, le déclenchement de véritables épilepsies, mais l'expérience nous prouve au contraire qu'il n'en est rien, du moins chez les sujets normaux ou même très légèrement prédisposés.

Ce mécanisme explique l'effet sur les pensées. Si l'on a soin de surveiller sans interruption l'action du balancement sur l'image mentale, on peut, en quelque sorte, sculpter sa pensée avec ce balancement. Il est probable que certains groupes de neurones entrent en synchronisme, provoquant des crises d'exacerbation de l'intensité de l'image mentale qui sont, en quelque sorte, une crise d'épilepsie imaginative, un équivalent épileptique de nature transcendantale.

Mais le plus intéressant tient au fait que l'image mentale tend à prendre spontanément un rythme, sous l'influence du balancement, sans action directe, répétons-le, de la volonté sur la pensée. Nous ne saurions nous en étonner : les cellules motrices de l'hémisphère droit commandent les muscles du côté gauche du corps et vice-versa.

S'il existe une lésion sur l'écorce cérébrale occipitale, elle se traduit par des lacunes appelées scotomes dans les deux champs visuels. Une lésion de l'écorce symétrique de la première se traduit par des scotomes symétriques de ceux de la première série. Nous ignorons encore le rôle relatif de chaque hémisphère dans la genèse d'une image mentale, mais il est vraisemblable de penser qu'ils jouent un rôle analogue.

Dès lors, on ne s'étonnera pas que l'excitation alternative des hémisphères détermine une pulsation, d'où des modifications de l'image. Cette excitation alternative des hémisphères étant périodique, les modifications symétriques de l'image mentale deviennent rythmiques. I1 ne s'agit plus d'un rythme superficiel, imposé directement par l'intellect et conforme à ce que celui-ci a décidé, comme celui obtenu par la répétition d'une litanie ou d'un mantra, mais d'un rythme profond provenant de l'organe même qui engendre la pensée et dont seule la période a été provoquée par l'expérimentateur, encore qu'il soit obligé de choisir par tâtonnements celle qui est en résonance avec son cerveau.

La pensée va alors passer par toutes les métamorphoses que subit le phénomène qui, de chaotique, devient rythmé. Et ce sont ces modifications qui nous semblent prodigieuses : l'état de conscience évolue, il se réorganise complètement et la vie intérieure se transforme.

Un sage oriental aurait dit que pour transformer un vice en vertu, il suffit de le rythmer. Toujours est-il que cette remarque est particulièrement applicable aux effets des balancements de la tête sur les pensées. Lorsqu'une image vulgaire devient spontanément rythmée, elle se transforme en danse. Toute pensée associée au rythme, qui agit sur elle, subit une évolution dans le sens moral.

On peut suggérer une explication d'ordre philosophique à cette constatation : le rythme implique un nombre infini de symétries. Or, la moralité est la symétrie de l'âme : ainsi, l'honnêteté et la gratitude sont constituées par un flux et un reflux égaux. La sincérité est une symétrie entre la pensée et la parole. Dans l'ensemble, la moralité nous apparaît comme la présence du sens du rythme dans le caractère et les échanges sociaux. On conçoit que lorsque le rythme est introduit profondément dans l'organe même qui engendre la conscience, le caractère s'en trouve considérablement amélioré et les tendances morales fortifiées.

Relevons ce fait d'importance : l'influence moralisante des balancements se fait sentir déjà avant l'imprégnation d'un rythme dans la pensée.

De même que l'énergie s'accumule dans une balançoire à chaque nouvelle impulsion périodique, on peut comprendre que, par ce mécanisme, la rêverie devienne action. Tout d'abord, le rythme met une plus grande force dans la pensée ; du fait qu'elle est plus énergique, elle aura davantage tendance à s'écouler en acte. Puis, et c'est facilement observable sous l'effet du rythme, elle se réorganise d'une façon qui s'harmonise mieux avec le cadre social.