Chapitre 1
NOTRE MÈRE LA TERRE


A
Baiser la Terre, pour adorer son âme.


À plusieurs reprises, Bernadette baise la terre sur la demande de son Apparition. Ne faudrait-il pas voir dans ce geste un signe d'ADORATION DE NOTRE MÈRE LA TERRE? C'est évidemment sous-entendre que la Terre a une âme, c'est-à-dire une conscience comme tout être vivant. Mais cette idée n'étant pas courante à son époque dans son milieu, elle n'a pu l'interpréter ainsi.

Papus avait déjà donné quelques indications pour souligner que l'ensemble de la structure de la Terre et de ses courants marins et aériens, rappelait l'organisation d'une cellule vivante. Avant d'avoir une connaissance de ce texte, j'ai donné dans L'Initiation de Pietro, d'autres arguments dans ce sens. Or qui dit " vie ", dit " conscience d'exister ". Donc la Terre, comme tous les corps célestes, possède probablement une conscience, c'est-à-dire une âme.

Un des buts des initiations et de tout développement mystique est d'entrer en contact ; mieux, en communion, avec ces âmes cosmiques plus larges que la nôtre.

Mais avant d'adopter ce présent point de vue que l'Apparition de Bernadette était une des expressions possibles de l'âme de notre Mère la Terre, il nous faut relever divers points qui rendent impossible l'hypothèse que ce fut l'âme de la mère historique de Jésus.

B
Une mauvaise histoire de famille


Il n'est pas normal de vouer un culte à la Vierge en tant que mère du Christ, car celui-ci s'est toujours très mal entendu avec elle. Il n'était guère agréable pour ses parents. Déjà à douze ans, il a fugué trois jours. À sa mère qui lui reproche : "Votre père et moi, nous vous cherchions tout affligés ", il répond : "Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il me faut être aux choses de mon Père ? " (Jésus en son temps, Daniel Rops. Librairie Arthème Fayard, Paris, 1949).

Aux noces de Cana, il lui dit : " Femme, qu'y a-t-il de commun entre toi et moi ? " (Jean, II - 4). Ce mot plus qu'aigre doux est manifestement la preuve de son mécontentement : elle avait négligé de mettre assez de vin sur la table.

Quand on vient lui dire que sa mère et ses frères s'approchent pour lui rendre visite, il répond : "Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique " (Luc VIII - 19), et l'on trouve à peu près la même réflexion d'après Matthieu (XII - 46) et Marc (III - 21). Et plus tard : "Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père ? " (Luc II - 41 - 50), ce qui est une façon de répondre insolemment "De quoi te mêles-tu ! ". Il n'était pas plus poli et aimable qu'agréable envers sa mère.

Il est dit aussi dans l'Évangile qu'il n'allait jamais dans sa famille, ni dans son village, car on le disait fou. À noter qu'il ne parle jamais du métier de son père légal, charpentier, bien qu'il cite souvent ceux de berger et de vigneron. Cela paraît être le signe d'une certaine mésentente.

Bref, une famille comme les autres qui paraissait briller surtout par la mésentente entre les générations. Il n'y a pas de mythe forgé par l'esprit populaire plus contraire aux Évangiles que celui de la Sainte Famille, projection d'un idéal refoulé dans la vie de chacun.

Tout juste a-t-il un mot pour sa mère en mourant, comme le soldat sur le front tombe en disant "maman", même s'il s'est disputé toute la vie avec elle : " Femme, voilà ton fils ", lui dit-il en parlant de Saint Jean, et à celuici, "Voilà ta mère" (Jean XIX - 26 - 27).

C
La cause linguistique de la confusion
entre la mère historique de Jésus
et l'aspect féminin de la divinité


Si telle était la situation familiale de Jésus, d'où vient cette demidéification populaire de sa mère ?

À l'origine l'erreur populaire, entérinée ensuite par l'Église, vient de ceci : en araméen, la langue du Christ, "Saint-Esprit " est du féminin. La Trinité primitive est donc "Le Père, Notre-Dame du Saint-Esprit, le Fils ", ce qui est conforme à la structure universelle. La tradition à ce sujet n'a jamais été complètement perdue. Au Moyen Âge, il existait une église en Pologne qui s'était intitulée "Notre-Dame du Saint-Esprit ", que le Vatican avait refusé d'ailleurs de reconnaître. Pour certains linguistes, Saint Esprit pouvait être du masculin ou du féminin en araméen, selon l'usage ; comme par exemple le mot "pendule " en français, qui prend un sens différent selon le genre.

D
L'utilisation politique de cette confusion


Il est probable, d'ailleurs, que cette erreur n'ait pas été perpétuée en toute innocence, car elle arrangeait certains.

En effet, la première partie de la prière " Je vous salue, Marie... ", est dans l'Évangile. Mais la deuxième qui commence par ces mots : " Sainte Marie, mère de Dieu " a été rajoutée postérieurement par l'Église.

La mère de Jésus était, selon toute probabilité, israélite. Faire rabâcher plusieurs fois par jour et des centaines de fois lorsqu'il s'agit de la pratique du chapelet, l'idée que les israélites constituent un peuple spécial, puisqu'il a donné naissance à la "mère de Dieu ", est une véritable colonisation par autosuggestion dès la plus petite enfance.

Il faudrait des volumes entiers pour développer les conséquences politiques de cette emprise sur les masses, par la force du rythme autour d'une idée fausse au départ et exagérément déformée par la suite, pour entretenir, par cette voie psychologique, l'emprise d'une minorité ethnique.

E
L'équivalent de la mère après la naissance :
la biosphère


Pour revenir à nos moutons, (ceux de Bernadette, évidemment), étudions comment méditer sur l'aspect féminin de la divinité, ce qui ne peut être que très fructueux.

Nous remarquerons que tant que l'enfant est dans le ventre de sa mère, il reçoit d'elle l'oxygène et le carbone qui, en se combinant dans son organisme libèrent l'énergie nécessaire à sa croissance et à ses premiers mouvements ; ainsi que tous les autres éléments, en particulier les sels minéraux indispensables aux mécanismes de la vie. L'eau, véhicule de ce transport, lui est également apportée par la mère.

Après la naissance, ce qui nous donne l'oxygène et le carbone, dont la combinaison alimente toutes nos énergies, y compris nos forces mentales, c'est la végétation. En effet, par la fonction chlorophyllienne de ses feuilles, le monde végétal capte l'énergie solaire. Celle-ci est utilisée pour fixer le gaz carbonique de l'air sur l'eau de la sève, engendrant ainsi le début de la chaîne des sucres dans lesquels les animaux puiseront leur énergie.
D'autre part, cette combinaison libère de l'oxygène contenu dans l'eau, pour engendrer l'oxygène de l'air.

Donc, après la naissance, ce qui remplace la mère, c'est fondamentalement la végétation, mais aussi évidemment le monde terrestre inanimé, principalement l'eau, puis les sels minéraux. Il est bien connu que les océans contiennent les différents sels en même proportion que le plasma sanguin et que les rayons du soleil donnent le mouvement à tout cet ensemble. Si quelque collision détachait la terre de son orbite pour l'envoyer hors du système solaire, non seulement la fonction chlorophyllienne ne serait plus possible, mais les océans et même l'atmosphère, seraient définitivement gelés, immobilisés. Cette vision du monde a peut-être influencé les linguistes qui ont prétendu qu'entre les mots " Maria ", "Mère" (" Mater " en latin) et " Matière ", il y avait une filiation. La matière est à notre esprit ce que la mère est au foetus. Elle l'enveloppe complètement, lui fournissant tous les éléments indispensables pour son existence et son développement.

F
"Notre Mère la Terre " à travers
l'histoire des religions


1. En Inde :


C'est dans cet esprit que Yogananda, dans Autobiographie d'un yogi, complète le "Notre Père qui êtes aux cieux " par "Notre Mère la Terre ". Il y a certes là une symétrie agréable et équilibrée. Ceci, pour ce qui est de l'hindouisme moderne.

2. Au Laos :


Cette conception de "Notre Mère la Terre " se retrouve aussi au Laos, dans le Bouddhisme populaire. Nous montrons à la page suivante une photographie d'offrandes à " Notre Mère la Terre ", pendant une cérémonie funéraire dans ce pays. La deuxième photographie nous fait voir un long ruban blanc passant de main en main chez tous les membres de la famille et des amis qui font une retraite pendant un mois, pour aider l'âme de la grand-mère décédée à s'élever. Ce ruban symbolise le chemin que son âme doit parcourir après la mort. (Photos mises aimablement à notre disposition par Madame Guy Michèle).

3. Dans les pays germaniques :


Ce contact avec l'âme de la Terre, les traditions germaniques le possédaient aussi, sans avoir eu besoin du tour de passe-passe de Rome, qui a utilisé pour cela une ambiguïté de genre, du mot " Saint-Esprit ".

C'était le "Erdgeist", Esprit (Geist) de la Terre (Erd) que le Dr Faust faisait apparaître au-dessus d'un foyer, au début du premier Faust de Goethe.

Encore un cas de voyance par la pensée - ici l'invocation - associée à la fixation de la flamme. Il faut sentir l'affinité de cette tradition avec l'apparition de "Marie " (la matière, la Terre) que l'enfant devra baiser à Lourdes. Car le docteur Faust a réellement existé : né en 1480, il mourut vers 1540. En 1587, parut le premier livre à son sujet. Il racontait que le Dr Faust avait été initié à la "Science occulte " et pouvait faire des miracles. Or pour nous, cette "Science occulte " dont on retrouve la trace à travers les âges n'était autre que des rudiments d'une science des phosphènes, du moins lorsque ce vocable cache quelque chose de sérieux.

Cérémonie funéraire bouddhique. Le long ruban blanc signifie le chemin que l'âme doit parcourir après la mort, soutenue par les prières des siens. Ces deux photographies ont été prises au Laos par Madame Michèle Guy, depuis que ces régions sont communistes.

Cérémonie funéraire bouddhique. Le long ruban blanc
signifie le chemin que l'âme doit parcourir après la mort,
soutenue par les prières des siens.
Ces deux photographies ont été prises au Laos
par Madame Michèle Guy,
depuis que ces régions sont communistes.



Cérémonie bouddhique en l'honneur de “Notre Mère la Terre”.

Cérémonie bouddhique en l'honneur de "Notre Mère la Terre".



4. La Trinité à Babylone, à l'origine de la Trinité catholique :


La religion babylonienne avait aussi une Trinité. Elle comprenait UN PÈRE, UN FILS ET UN FEU. (Bibliothèque Nationale, usuels de la rangée médiane). La similitude avec la Trinité catholique est d'autant plus bouleversante que l'on ne trouve cet aspect de la Trinité que dans ces deux religions. Bouleversante oui, mais étonnante, non. Cela vient à l'appui de la thèse que je soutiens : pendant la captivité à Babylone, les Israélites ont été en contact permanent avec le Zoroastrisme qui, à l'époque, était la religion de cette région. Le pétrole, qui coulait à fleur de terre un peu au nord, avait en effet permis aux populations de prendre facilement l'habitude de penser et surtout de prier en fixant une forte flamme. Non seulement ils y ont puisé le Phosphénisme, mais de plus, certains Israélites ont emprunté sa Trinité au peuple Babylonien. L'idée qu'un des trois aspects de Dieu est le Feu provient de ce que la pratique du mixage phosphénique provoque, si elle est assidue, la perception d'une flamme intérieure et stimule beaucoup l'intelligence, c'est-à-dire l'Esprit ; tout en le poussant vers le bien : le Saint-Esprit.

Ceci est une preuve de plus que le Christianisme est né des pratiques zoroastriennes, colportées par les Israélites lors de leur retour en Palestine.

5. Et les autres religions?


Cette liste n'est nullement limitative, au contraire. Ce ne sont que quelques exemples pour stimuler les recherches dans ce sens, pour les passionnés d'histoire des religions, afin d'apporter plus de poids à l'idée que les croyants ont toujours éprouvé le besoin d'adorer un aspect féminin de la divinité ; et que la Trinité catholique romaine est bancale. (Drôle d'exemple pour la morale que de mettre au sommet de l'univers, trois bonshommes ensemble!!!). L'esprit populaire a fait une confusion et s'est rabattu sur la mère historique du Christ ; confusion savamment guidée et entretenue, à cause de ses conséquences politiques.