Chapitre 8

UN CAS COMPARABLE À CELUI
DE BERNADETTE SOUBIROUS :
L'ORIGINE DE LA VOYANCE DE MADAME GISKY


Nous sommes fortifiés dans l'opinion que la conjonction de mixage phosphénique involontaire et de crises asphyxiques a joué un grand rôle dans la genèse des visions de Bernadette Soubirous, par l'étude d'un cas qui paraît très comparable : celui de Madame Gisky.

A
Une preuve formelle de la voyance
de Madame Gisky


J'ai été amené à considérer que cette personne était douée d'un authentique don de voyance par de multiples faits, et entre autres celui-ci : la première fois que je l'ai rencontrée, elle m'a dit : "Vous tournez autour de Denfert-Rochereau ".

J'avais caché à tout le monde que souvent, le dimanche quand il faisait beau, j'allais me promener dans ce quartier pour la raison suivante. Je suis né dans le haut du boulevard Raspail, donc à quelques centaines de mètres de la place Denfert-Rochereau, et j'y ai vécu jusqu'à l'âge de douze ans.

Mon premier maître spirituel, Stanislas Stückgold, dont je parle dans le tome III de Expériences initiatiques, habitait presque en face de ma maison natale, et j'ai connu mon deuxième maître, Arthème Galip, rue d'Alésia, près de l'église Saint-Pierre de Montrouge, donc de l'autre côté de la place Denfert-Rochereau. Or, l'élan que m'a donné ce dernier par l'imposition des mains, a été à l'origine de mes recherches actuelles.

Les dimanches ensoleillés, je vais de ce lieu au premier, tout en priant pour ces défunts pendant que je fixe le soleil. Il est en effet évident que prier sur les lieux attachés au souvenir des décédés avec lesquels on se sent très liés, rend le sentiment plus vif, plus réel, surtout lorsqu'il s'agit de faits remontant à très longtemps. J'ai d'ailleurs remarqué que c'est surtout après, que la sensation de contact avec les âmes des morts est plus vive, que si la prière est faite en n'importe quel lieu. Je n'avais jamais parlé à personne de cette habitude, car retourner fréquemment sur les lieux de son enfance, en l'absence des explications ci-dessus, pourrait paraître un signe de gâtisme un peu précoce. Mais chaque fois que je vais d'un de ces points à l'autre, je suis bien obligé de passer par la place Denfert-Rochereau.

On pourrait écrire plusieurs très gros livres sur les remarquables voyances de Madame Gisky, certaines contrôlées par des personnes de culture scientifique authentique.

Ce qui m'intéresse plus que les voyances que l'on a la bonté de me faire, c'est comment ce don est venu à la personne qui me prouve qu'elle le possède réellement.

B
L'utilisation instinctive du co-phosphène et de
la lumière polarisée horizontalement,
lorsqu'elle était enfant.


Dans le cas de Madame Gisky, nous trouvons tout d'abord les rapports suivants avec le Phosphénisme :

1) Quand elle était enfant, à la messe, elle fixait une forte lampe jusqu'à ce qu'elle voit des couleurs autour d'elle. Donc, cette personne provoquait, sans en connaître le nom, des co-phosphènes. C'est à ce moment qu'elle priait avec d'autant plus de ferveur que sa situation familiale était pénible par certains côtés, et qu'elle demandait au ciel une amélioration du sort de ses parents.

2) Ceux-ci étaient éclusiers. Elle allait donc très souvent s'asseoir au bord de l'eau pour apprendre ses leçons. Levant la tête pour les réciter, son regard se fixait alors souvent sur le reflet du soleil dans le canal.

3) Enfin, elle était assez couramment attirée vers les fixations du soleil.

C
Son récit de l'état de mort apparente


Cette pratique phosphénique a été combinée à des crises asphyxiques et même à des états de mort apparente à plusieurs reprises. À l'âge de cinq ans, elle fit une diphtérie si grave que l'hôpital avait déjà télégraphié à sa mère de venir, l'enfant étant à la dernière extrémité. Quand la mère est arrivée, l'infirmière lui dit qu'un miracle était survenu, l'enfant étant revenue à elle. Mais par la suite, elle garda une faiblesse de certains muscles respiratoires, ceux qui commandent les mouvements de la glotte, semble-t-il, de telle sorte qu'il lui est arrivé de passer directement du sommeil à l'état de mort apparente, au grand affolement de son entourage. Nous préférons lui passer la plume pour la description de la plus importante de ses expériences :

«Une douleur atroce m'obstrue la gorge que je sens enflée. Le mot "torture" me traverse l'esprit, au moment même où j'ai conscience que je meure. Une pensée s'impose, rapide comme l'éclair : « Je suis réveillée par ma mort ». Je sais qu'il est minuit, cette pensée s'impose également. Le moment de torture passé, la pensée de ma mort s'étant imposée, je suis surprise de l'étrange lucidité qui m'anime. Je me sens (vous souriez sans doute) supérieurement intelligente et j'apprends que toutes les possibilités me sont offertes ... »

«Très vite, l'idée de demander pardon pour mes erreurs terrestres s'impose, pendant que je vois défiler comme sur un écran toute ma vie passée. J'ai alors pensé : «À votre bonne grâce Seigneur ! ». J'ai le temps de m'étonner de n'avoir aucune peur. C'est à partir de ce moment que mon raisonnement est intervenu, me disant que j'étais stupide ; que je ne pouvais pas être morte puisque je pensais. C'est alors que j'ai voulu me lever. Impossible d'éxécuter l'acte. Ne pouvant sortir mes jambes de mon lit, j'ai présumé une paralysie de celles-ci, j'ai donc tenté de basculer mon corps sur le côté... en vain ! Espérant que mes bras étaient encore valides , j'ai voulu allumer ma lampe de chevet. Impossible. Pas même ma tête ne pouvait m'obéir quand je voulais la tourner. C'est à cet instant qu'un nouveau déroulement de film étonnant se produisit. Je visitais, ou si vous le préférez, j'examinais mon propre corps. »

« J'avais l'impression d'avoir "un oeil spécial". Celui-ci pouvait voir dans les menus détails tout l'organisme interne de mon corps. C'est ainsi que je pus constater que j'avais un oedème de la gorge et que c'était lui qui venait de provoquer ma mort. J'ai vu dans ce même temps mes poumons dégonflés (à la façon d'une chambre à air qui fuit. Chaque organe était en arrêt. J'étais stupéfaite, car jamais je n'avais imaginé être le témoin visuel d'un décès… surtout pas le mien, évidemment !… »

«Ce dénouement se passa à vive allure, impossible d'en déterminer la durée. »

«Après avoir constaté l'arrêt des activités de ce corps physique, j'ai pensé que je devais être réellement morte ; d'autant plus possible, pensais-je, que jamais de mon existence, je n'ai eu une telle lucidité, une telle intelligence, et de surcroît visité mon propre corps avec cet "oeil"... je n'avais jamais entendu parler de cela sur Terre !»

«Oui, la Terre ? Ceux que je viens d'y laisser, semble-t-il ! À cette idée, je m'inquiète pour mon mari ; lui qui ne peut supporter de visiter des malades dans les hôpitaux, me trouver là sans vie ! J'imagine. Alors je prie le ciel qu'on le fasse partir à son travail sans me voir, je pense que ce sera moins dur pour lui. Quant aux enfants ? Mon Dieu! Pourvu qu'ils partent en classe sans me voir. Que vont-ils devenir ? Ils ont encore besoin de moi. Je suis "partie" trop tôt... et pourtant je me sens si bien dans cet état nouveau, si légère !... À peine ces dernières pensées terminées, que je sens au-dessus de moi, comme passant à travers un entonnoir dont l'embouchure serait dans ma bouche, un souffle venu de très haut. Au même instant, j'ai pensé : «On me redonne le souffle de vie ». Je me suis étonnée de cette phrase, après réflexion car suite à un malaise, j'aurais volontiers dit : «Ouf ! ça va mieux ».

« J'ai nettement senti passer ce souffle au travers de ma gorge qui désenflait "visiblement". Mon "oeil spécial" continuait son examen. Mes poumons se regonflèrent spontanément. Je vis mon coeur se remettre à battre, envoyant dans tous les vaisseaux les pulsations qui provoquaient la circulation, que je comparais à l'eau coulant dans les rivières. Je voyais nettement chaque organe reprendre sa propre vie, les intestins se mirent à grouiller dans ce que je voyais comme une eau nécessaire à leur vie. J'étais éberluée de ce "mouvement perpétuel" à l'intérieur du corps. Certes je savais les fluides de notre corps en mouvement, mais le voir avec " cet oeil là " dépasse l'imagination. »

J'eus le temps de ressentir l'analogie entre le corps humain et la planète Terre... La peau serait l'équivalent de la croûte terrestre ; les os du minéral ; le système pileux du végétal. Le ventre me donnait l'image de la mer dans laquelle toute vie se transformait ; le coeur était la "pulsation cosmique" jumelée au cerveau. Ce cerveau lui-même était une autre planète qui régissait la première, et était supérieure à celle-ci. Elles ne pouvaient vivre l'une sans l'autre. Dans ce film du mouvement de la vie, je comprenais tout avec une étonnante facilité, et j'ai eu cette pensée : «Sommes-nous bêtes, sur cette Terre, de croire que ce n'est que le lieu de la vie, alors que nous n'y vivons que partiellement. L'essence même est en nous, mais nous n'utilisons pas tout son potentiel. Une partie est réservée pour une seconde vie, celle que nous vivons dans d'autres lieux, quand nous dormons, celle qui nous servira pour la continuité de la vie après notre mort physique, sur d'autres plans».
«Les mots devenaient inutiles pour comprendre les choses qui se déroulaient à ma vue. Tout était simple. Incroyablement simple. Il suffisait d'observer. J'étais consciente que les difficultés terrestres venaient des pensées des hommes. Je comprenais que ces pensées prenaient des formes physiques, matérielles, de la même façon qu'un ver à soie produit sa matière. Je voyais sortir d'une pensée SA FORME ou son produit. Cela se matérialisait comme l'eau que l'on met à bouillir se transforme en vapeur. »

« Je ne peux décrire avec des mots humains le processus de ce fait exceptionnel que j'ai vécu. Vous penserez sans doute :
«Ce n'est que de l'imagination. Tout ceci est impossible. »
Je ne cherche à convaincre personne, je raconte un fait, c'est tout. »
«Avant que je ne sente le souffle de vie me pénétrer, j'ai eu conscience que mon mari se réveillerait et que son corps toucherait le mien, glacé, en se retournant. À l'avance, je vivais ce qui allait se dérouler. Je savais que ce froid particulier à la mort allait éveiller son instinct et qu'il bondirait pour allumer. Ce qu'il fit. Il poussa un cri de terreur. Ses yeux égarés me fixaient. Je le voyais toujours avec cet "autre oeil" que je possédais.

« J'ai dit calmement cette phrase qui me sortait (Oh ! quelle surprise pour moi) du creux de l'estomac : «Ne t'inquiète pas, je reviens, surtout ne me touche pas. » Le ton était impératif. »
« Petit à petit, la vie en moi reprenait. Étrange spectacle auquel je venais d'assister ; celui que je croyais IMPOSSIBLE, et pourtant… »

Nous retrouvons bien chez Madame Gisky, cette combinaison de la pratique instinctive du mixage phosphénique et de crises asphyxiques, ces dernières paraissant être un facteur multiplicateur des effets du Phosphénisme. C'est la même association que celle que nous avons trouvée chez Bernadette.

Ce qui rapproche encore le cas de Bernadette de celui de Madame Gisky, c'est que l'enfant de Lourdes avait eu le choléra et en avait réchappé de justesse. Cela signifie qu'elle n'avait pas dû être bien loin de l'état de mort apparente, comme ce fut le cas pour notre voyante parisienne.